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Premier roman de Pierre Gutwirth

Extrait 1 :
Les corbeaux, accrochés à leur branche, font étrangement songer à ces vieilles rombières férues d’opéra lesquelles, depuis leur loge, chaussées de leur monocle, surmontées de leur chapeau à fleur, figées dans leur stature de madone, jugent sans pitié les artistes sur scène qui font de leur mieux pour les distraire et leur faire oublier leur vieux mari qui aura eu le bon goût de disparaître avant elles. D’un battement d’aile agacé, le volatile signifia au conducteur du véhicule arrêté au pied de son arbre et qui s’apprêtait à quitter le monde des vivants, qu’il fallait se décider à appuyer, enfin, sur la gâchette libératrice.
Benjamin était parcouru de tremblements. Il ne parvenait pas à caler sur sa tempe baignée d’une sueur que l’on imagine froide le canon qu’il avait pourtant, de son plein gré, décidé de pointer sur sa propre personne.
En cette aube laiteuse et blafarde qui enveloppait cet innocent village situé aux faubourgs de la ville de Salzburg, l’oiseau noir prit son envol sans pour autant perdre du regard le véhicule immobilisé au pied de l’imposant tronc séculaire et dans lequel, vissé à son volant, l’homme aux tempes grises était livré à cette douloureuse démarche qui consiste à choisir entre vivre ou mourir.

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